CE QUE MEDIUM PEUT VOULOIR DIRE (1)

Ce cycle est com­posé de ren­con­tres thé­ma­tiques autour de la notion de mul­ti­mé­dia. Nous com­prenons cette notion non seule­ment dans son sens courant, attaché à la pro­duc­tion numérique, mais aussi comme une mul­ti­plic­ité de médiums. Notre approche de ce sujet se divise en deux fac­teurs :

1 | Nous avons choisi de créer une revue virtuelle, choix qui ne se jus­ti­fie pas seule­ment par des raisons pra­tiques – dans le sens de coût et d’accessibilité — mais aussi par l'envie d'exploiter les ressources formelles que ce(s) ​"moyen(s)" nous offre(nt). Comme nous souhaitons créer une revue qui réunit pratique artis­tique et réflex­ion cri­tique, le ques­tion­nement sur les lim­ites imposées par l’utilisation du numérique nous paraît très per­ti­nent.

2 | La ques­tion du médium (ou du multi-médium) se trouve au centre de la démarche artis­tique mod­erne et con­tem­po­raine, et revenir sur cette ques­tion, con­stitue pour nous une façon de nous situer dans ce con­texte plus large.
Dans ce cycle, nous allons traiter dif­férents sujets tels que : la notion mod­erne de médium spé­ci­fique, l'émergence de nou­velles formes d’expression artistiques, la réal­ité aug­men­tée, le rap­port entre médium et mémoire, etc…

QUENTIN LEFRANC / CAR­OLINA ALFRADIQUE
30 Octobre 2016 | Médium en tant qu’élément crucial d’œuvre d’art moderne

L’importance de la notion de médium dans la pensée artistique se fait remarquer par la fréquence avec laquelle elle serait employée dans différentes études sur l’art moderne. L’utilisation de cette notion la plus célèbre et la plus remarquable — dans le sens paradigmatique — est celle faite par Clement Greenberg dans les textes "Vers un Laocoon plus neuf" (1940) et "La peinture moderniste" (1961).
Greenberg reprend l’argument de Lessing sur la nécessité pour chaque art de définir les moyens expressifs qui lui sont propres et qui le séparent des autres disciplines. Si Lessing confond, dans son étude sur la sculpture Laocoon, le partage des arts et la manière dont chacun serait capable de traiter de la façon la plus convaincante un même sujet et ses modalités de perception et de temporalité, Greenberg fait du médium de chaque discipline l’élément crucial de sa fondation. La discussion se trouve ainsi déplacée du rapport entre la tekhnè propre à un art et la mimèsis vers la relation entraînée par les conventions ou les normes constitutives d’un art et ses données matérielles.

Le critique américain trace une généalogie historique des arts vers une sorte de purisme, ou une auto-définition critique de leurs champs. L’histoire moderne des arts serait ainsi le continuum de la pensée identitaire de chaque art sur soi-même. "La pureté en art", nous dit Greenberg, "consiste en l’acception volontaire des limites du médium de l’art en question". Chaque art doit trouver son domaine de compétence unique qui coïncide "avec tout ce qui est unique dans la nature de son médium"

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