Navigation sonore à la lisière des frontières - Bocaina

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2020-22
Residence
Soutien: Institut Français
Collaborateur: [meta]estratos

[fr]
Projet Lauréat du programme de résidence Les Collectifs d'artistes du Institut Français - Ministère de la Culture

Émissions radio, bruit insignifiant, discours politique, musique populaire, témoignages, cacophonies diverses à la lisière des frontières internes et externes du Parque Nacional da Bocaina : nous envisageons d’entreprendre une navigation sonore, dont le parcours est tracé par les fréquences radio et les interférences électromagnétiques qui croisent notre espace de captation.

Composé par 106 mil hectares de forêt Atlantique qui remontent des montagnes d’une hauteur de 2 000 mètres pour rejoindre la mer, ce parc est une de plus grandes réserves encore existantes de ce biome. Depuis 2019, il a été reconnu (avec des localités voisines comme la « Zone de Protection Ambiental de Cairuçu », ainsi que le Parc de l’État de l’Ilê Grand et la ville historique de Paraty) par l’UNESCO comme Patrimoine Culturel et Mondial. En plus de son exceptionnelle biodiversité de flore et faune préservées, le parc abrite plusieurs communautés traditionnelles comme les indigènes Guaranis, les Quilombolas et les Caiçaras. La « cacophonie » propre à sa richesse culturelle (composée par les traditions, les langues, les rituels distincts) et naturelle sera donc l’objet central de notre recherche sonore. Plusieurs siècles avant que ce territoire devienne un parc, pendant le siècle XVII, il a servi comme voie de sortie de l’or (extrait à Minas Gerais à la frontière nord du Parc) vers l’Europe, en passant par le port de la ville de Paraty. La construction de ce Chemin de l’Or raconte une partie de l’histoire coloniale du Brésil, de l’exploitation des ressources naturelles et des êtres humains, soumis à la condition d’esclavage. L’ouverture de l’autoroute BR-101 — Rio Santos dans les années 1970, l’installation du terminal portuaire de Petrobras à São Sebastião et des centrales nucléaires Furnas Centrais Elétricas à Angra dos Reis (Angra 1 et 2), ont été des ouvrages monumentaux du gouvernement militaire autoritaire qui ont aussi provoqué des changements sociaux et économiques majeurs dans la région. Plus qu’une mesure écologique la constitution de cette région en tant que « parc national » par le gouvernement militaire en 1971 a été une mesure compensatoire. L’objectif principal étant de tracer la démarcation du parc en une « ceinture verte » afin de réduire l’impact promu par un éventuel accident nucléaire des usines Angra I et II. Les usines à leur tour, font partie du programme national de développement nucléaire brésilien qui remonte aux gouvernements de Getúlio Vargas (1951-1954) et Juscelino Kubitschek (1956-1961).

Notre déplacement sera guidé par des ondes électromagnétiques, sons divers, témoignages, recherches sonores dans les archives historiques, entre autres. Ensuite, nous allons entreprendre un passage du son à l’image, en cherchant à synthétiser une réalité qu’il n’est autrement pas possible de saisir en une fois. Le son, par essence iconique et séquentiel, est symbolisé par des variables visuelles qui traduisent un instantané du territoire, sans pour autant le figer. Faire image du son c’est opérer un glissement interprétatif sur le paysage sonore parcourue. Pour mettre en place ce passage, une carte mentale nourrie avec différents supports (photographiques, vidéos, installations...) sera construite tout au long de notre itinérance.
ors du trajet, nous collecterons à la fois des sons émis par des émissions radio locales, des échanges libres sur les fréquences HF de “citizen band” dite CB, mais aussi tous les dialogues et bruits que l’on entendra sur le terrain. Toute cette matière sera montée chaque jour au long de nos déplacements dans le but de créer une émission/podcast que nous partagerons sur notre site.

La métaphore des « Pêcheurs de sons » proposée par le compositeur américain John Cage pour expliquer l’enjeu central de la dernière pièce de sa série Variations est très représentative de notre recherche collective sur les « matières sonores ». De plus, l'illustration de la poésie sonore de Bernard Heidsieck Autour de Vaduz, tout autour créée en 1974 pour l’inauguration d’une fondation d’Art à Vaduz nous a beaucoup inspiré dans la construction de notre itinéraire imaginaire. Deux métaphores, nous servirons, donc, de boussole dans cette navigation : la ligne symbolisé par les pêcheurs de son de Cage, par laquelle nous lancerons l’hameçon à la recherche de la matière sonore qui traverse notre centre de captation et le cercle symbolisé par Heidsieck dans sa poésie sonore, à partir de laquelle nous établirons notre « centre du monde » par le biais des « points d’émissions radio forts » et le tout autour, en cherchant ce kaléidoscope culturel dont nous parle le poète. Le « centre du monde » n’aura pas de « centre », mais des tracés possibles et ouverts de captation à la lisière des frontières. Les œuvres de l’artiste japonais Masaki Fujihata sont également une source d’inspiration à notre projet. Ce qui nous intéresse particulièrement dans les projets artistiques de Fujihata est sa mise en image d’une superposition de temps-espaces non-synchronique et non-subjectifs.

DATA VISUALISATION

La représentation graphique des ondes radio
interceptées durant notre déambulation sera capturée à l’aide d’un analyseur d’onde par un logiciel de visualisation. Une collecte sous la forme de capture d’écran en d’enregistrement vidéo, pouvant par la suite apporter matière à création graphique et plastique

PHÉNOMÈNES ÉLECTROMAGNÉTIQUE

Nous aurons une attention particulière à l’écoute radio le matin au lever du soleil, car il se produit un événement scientifique autour de l’ionosphère terrestre qui, avec le soleil, agit comme un miroir. Cela a pour effet, une diffraction et mélange des ondes radio sur une seule et même fréquence radio. Un court moment dans la journée qui produit un montage aléatoire d’onde, mixant les émissions entre elles au travers de ce phénomène naturel quotidien. ref Jean-Pierre Aubé.

ESPACES VIRTUELLES PAR PHOTOGRAMMÉTRIE

En plus du travail de montage sonore de chaque jour et leur diffusion sur notre site, nous réaliserons une collection photographique de nos déplacements afin d’en garder une trace comme relevé géographique, mais aussi afin d’en produire des espaces virtuels par photogrammétrie

[en]
Radio broadcasts, insignificant noise, political discourse, popular music, testimonials, various cacophonies on the edge of the Parque Nacional da Bocaina borders: the collective plans to undertake a sound navigation whose route is traced by radio frequencies and electromagnetic interference that intersect their recording space. Using modular wave reception tools, such as the CB radio and conventional radio, the aim is to create a new cartography guided by sound material that is not limited to established territories but which seeks the edge of borders to (re)trace and (re)direct it.