GUIL­LAUME CONTRÉ

Guillaume Contré a repris dans sa cacophonie d'images insolites et quotidiennes le geste du cadrage présente dans le projet de Daphné. Il revient sur ce regard qui se tient à ce qui se passe au delà d’une fenêtre pour exposer cette même fenêtre comme principe des images. C’est à partir des limites d’un cadre que des paysages aussi diverses vont être fabriqués et mis en valeur. Dans son texte, l’artiste propose des descriptions minutieuses qui acquièrent – grâce à ces détails - une apparente crédibilité, mais qui conduisent à douter de ce que l’on aperçoit à travers ses mots. La phrase "À cette distance, c'est difficile de savoir” clôture chaque tableau - construit par la mise en scène de ces figures diverses - et finit par nous renvoyer au sujet/voyeur qui décrit ce que l’on voit. La véracité des images exposées — ou la possibilité même de faire voir à travers des mots — est questionnée par cette distance qui met en désaccord la voix du narrateur et les images qu’il nous décrit.

----------------------------------------------------------------------------------------------

"Vol d’oiseaux en boîte

C’est une image proposée par Daphné à un moment donné de sa présentation, celle d’une fenêtre comme une sorte de cadre derrière lequel passe des oiseaux en vol qui m’a donné l’idée de « Cadre [Livre d’images] ». C’est-à-dire que parmi les nombreux éléments de la présentation de Daphné, je n’en ai retenu qu’un seul, puisqu’il a suffi à générer l’imaginaire suffisant pour réaliser mon propre travail. L’image du vol des oiseaux apparaît d’ailleurs littéralement au tout début. À partir de là, j’ai fait ce qui me chantait, en suivant les bons conseils de mon égocentrisme.
Pour le reste, s’agissant de la forme boîte, cela s’est imposé plus tard, afin de répondre à la nécessité de rendre « plastique » un texte littéraire. De faire, autrement dit, un objet. Et puisque cet objet est pensé pour être manipulé par le public, autant ajouter des gants, représentation directe, tautologique, de cette manipulation. Et puisque, comme souvent, il est probable que les gens ne vont pas oser toucher l’œuvre, il m’a semblé nécessaire d’ajouter des instructions parodiques.
J’ajoute cette description des « intentions » du texte, celui que l’on retrouve dispersé sur les trois cent fiches que contient la boîte :
Un cadre délimite, encercle, fait voir, définit (illusoirement, sans doute). Un cadre, cela peut être une fenêtre qui nous offre un bout de réel en mouvement, mais cela peut aussi être une infinité de vidéos sur Youtube qui finissent par se confondre.
L’idée, c’est de décrire des images aussi probables qu’improbables, de les donner à voir sous forme de mots, en sachant très bien que les mots ne permettent pas de voir quoi que ce soit, sauf peut-être l’illusion d’une certitude. Tout est affaire de distance, c’est pour ça que dans le texte revient
comme un leitmotiv la phrase : « À cette distance, c’est difficile à savoir. » Il importe, de toute façon, de faire comme si on était sûr de ce qu’on parle.
Le texte se construit comme une liste, joue sur les rythmes et la répétition et doit fonctionner à la fois pour une lecture silencieuse traditionnelle et pour une lecture à haute-voix « performative ». Il faut rester dans un certain « non- style », tout en glissant quand même de la poésie par la bande. À propos de poésie, on pourrait dire que c’est de la poésie sonore (ou de la poésie visuelle sans images).
Et puisque je me dois toujours (ou presque) à la vérité, j’ajoute que la boîte et n’existerait pas sans l’aide inestimable de Curtis Putralk, célèbre artiste au foyer.

Guillaume Contré, 01/12/2017"

L’artiste a présenté le pro­to­type de son oeuvre le 17 Septembre 2017 dans le cadre des Ren­con­tres Matière col­lec­tive

Next -->